Texte de cadrage

« Sciences, neurosciences et apprentissages des langues »

IUT d’Epinal - 23, 24 et 25 mai 2019

L’objectif du 41e congrès de l’Apliut qui se tiendra à Epinal les 23, 24 et 25 mai 2019 est de faire le point sur les différents domaines scientifiques qui contribuent à améliorer toujours davantage les enseignements et les apprentissages des langues, dans leurs richesses et leurs pluralités. Dans le cadre de sa thématique « Sciences, neurosciences et apprentissages des langues », le congrès accueillera toutes les communications propres à montrer la richesse de nos cadres théoriques, la variété de nos pratiques de terrain éclairées par la recherche, le foisonnement de nos efforts d’innovation ou encore la pluralité de nos démarches de recherche-action pour les langues, de l’école à l’université.

Ce congrès sur les (neuro)-sciences au service des apprentissages en langue se veut un lieu de réflexion scientifique en réponse au souhait de Jean-Michel Blanquer, actuel Ministre de l’Éducation nationale, de faire des neurosciences un enjeu de réflexion majeur pour améliorer les performances des élèves. Dès le 21 juin 2017, un mois après sa nomination, Le Point titrait déjà « École : Blanquer, l'homme qui veut arrêter les bêtises » et intégrait à cette Une les deux sous-dossiers phares suivants : « Neurosciences : ces découvertes qui donnent la clé de la réussite » et « Stanislas  Dehaene : les pouvoirs du cerveau de l’enfant ». Le 24 octobre 2017, dans l’entretien qu’il accordait au Nouvel Observateur dans un numéro intitulé « École le grand ménage », le ministre plaidait en faveur des neurosciences pour comprendre les mécanismes d’apprentissage et expliquait ceci : « Nous devons juste veiller à ce que les méthodes utilisées aient des assises scientifiques solides. » où l’adverbe « juste » transformait cette affirmation en apparence convenue en une véritable méthode de travail. Le 9 janvier 2018, à la veille de l’installation du conseil scientifique de l’Éducation nationale, Le Figaro consacrait un article à cette méthode : « Neurosciences : la méthode Blanquer pour changer l'école ». Ces mêmes neurosciences s’imposaient alors comme « une évidence » pour l’école, après seulement 6 mois d’exercice et par le biais d’une certaine sur-médiatisation.

Aucun.e enseignant.e et enseignant.e-chercheur.e en éducation préoccupé.e par l’avenir des élèves et des étudiant.es, par la qualité des enseignements qui leur sont proposés et par la qualité des apprentissages susceptibles d’en découler, ne saurait contester cette idée-clé que les méthodes utilisées sur le terrain devraient être éclairées par la recherche. Pourtant, à la suite de la création du conseil scientifique de l’éducation nationale[1] et de la nomination, à sa tête, de Stanislas Dehaene, Professeur au Collège de France en psychologie cognitive, l’année 2018 a été marquée par un débat, souvent vif, sur la place des neurosciences à l’école. Ce débat n’est pas nouveau[2] mais ce qui frappe dans les échanges en 2018 est l’inquiétude partagée par de nombreux scientifiques d’une hégémonie des neurosciences sur le terrain éducatif au risque de réduire, par le politique, la recherche en éducation à une posture idéologique - celle d’améliorer la performance des élèves et l’efficacité des enseignants par les (seules) neurosciences, en dehors de la prise en compte de la complexité des situations d’enseignement / apprentissage dans leur singularité.

Ainsi, en février 2018, le psychanalyste Gérard Pommier rappelait que, selon lui, les difficultés dans l’acquisition des savoirs sont bien davantage liées à des questions sociales et familiales que neurobiologiques et lançait une pétition en ligne « Pour l’avenir de nos enfants… »[3]. Fin août 2018, paraissait La Riposte, le dernier ouvrage de Philippe Meirieu dont le chapitre 5, « Les neurosciences ne feront jamais la classe », est consacré au danger d’une conception caricaturale des neurosciences au service d’une idéologie. Plus récemment encore (décembre 2018) le sociologue Stanislas Morel faisait part de son inquiétude de voir les sciences autre que cognitives réduites « au statut infra scientifique » dans le champ de l’éducation[4].

En réaction à la volonté politique de faire des neurosciences un fondement pour l’école de demain plutôt qu’un seul éclairage parmi d’autres, on a vu (ré-)émerger un ensemble complexe de discours issus de nombreux domaines scientifiques autour de la question des apprentissages. En se concentrant exclusivement sur les neurosciences, Jean-Michel Blanquer a finalement redonné toute sa place lien au entre recherche et pratiques pédagogiques et offre à notre communauté l’opportunité de travailler sur l’ensemble complexe des domaines scientifiques qui contribuent à mieux appréhender les apprentissages en milieu non naturel (scolaire et universitaire). Dans ce contexte, le 41e congrès de l’Apliut sera l’occasion de faire le point sur les apports passés, présents et futurs de ces différents domaines en s’efforçant de joindre plutôt que de disjoindre les différentes sciences contributives à l’enseignement / apprentissage des langues. Nous proposons pour cela deux grands axes de réflexion (non-exhaustifs) et quelques exemples de questions possibles :

Axe 1 – Sciences et enseignements / apprentissages des langues. Que nous disent les différents domaines scientifiques (didactique, linguistique, neurolinguistique, neurosciences, philosophie, phonologie, psychologie, psychanalyse, psycholinguistique, sociolinguistique, sociologie, traitement automatisé des langues) sur les apprentissages en général, et sur les apprentissages des langues en particulier ? Comment ces différents domaines scientifiques interagissent-ils ? Quelles recommandations ces différents domaines proposent-ils aux institutions scolaires et universitaires ? Quels résultats scientifiques peuvent être mis au service des enseignants, des apprenants ?

Axe 2 – Sciences et pratiques pédagogiques en langues générales et de spécialité. Quels résultats de recherche se trouvent exploités en classe de langue, dans le secteur Lansad notamment ? Comment ces résultats de recherches sont-ils transformés en pratique dans nos espaces de cours ? Certains cadres théoriques sont-ils particulièrement utiles pour penser un cours de langues et favoriser les processus d'apprentissage ? Quelles innovations sur le terrain pour et par la recherche-action ?

Comme depuis toujours, le comité scientifique du congrès de l’Apliut encourage en particulier les jeunes chercheurs, de tous horizons, mais aussi l’ensemble des chercheurs et praticiens, à venir partager leurs travaux les plus récents en lien avec les enseignements et les apprentissages des langues, de l’école à l’université.

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